Synthèse plénaire

La biennale « Ensemble pour la santé – Samen voor gezondheid » a démarré avec 3 interventions aux profils assez différents : Wim van Hees avait une casquette d’ « expert – acteur », Christine Ferron, celle d’ « experte – scientifique » et, enfin, les actrices du Théâtre du Copion portaient la casquette d’« expertes du vécu ». Malgré ces différents profils, leurs visions de ce qu’est la santé et comment l’améliorer se rejoignent et se complètent. Nous synthétisons ci-dessous les 3 interventions.

Au fond, qu’est-ce que la santé ? Au-delà de la santé physique que l’on associe aux maladies et aux blessures, définissons la santé de manière positive pour une fois. Car la santé n’est pas qu’une finalité, un objectif à atteindre, c’est également une ressource. En effet, être en bonne santé, c’est avoir la possibilité de réaliser nos aspirations et nos projets. La santé, c’est également pouvoir satisfaire nos besoins et être présent pour ceux que l’on aime. La santé n’est donc pas juste liée à la maladie : c’est un concept global et positif qui inclut de nombreuses dimensions de la vie des individus.

Qu’est-ce qui détermine notre santé ? Le concept de santé globale tel que décrit ici renvoie à la santé comme un tout. Ce « tout » peut être influencé par une série de facteurs, que l’on appelle déterminants de la santé. Chaque facteur se cumulant à un autre et ayant une influence sur un autre (s’inscrivant ainsi dans une chaîne causale), en faveur ou en défaveur de la santé des individus.

Ces facteurs sont traditionnellement rassemblés en catégories et organisés sous forme d’arcs, allant du plus proche au plus éloigné de l’individu tel que sur le schéma ci-dessus. Ainsi, la santé des individus est influencée par les facteurs liés à leur style de vie, mais également par les réseaux sociaux et communautaires. Les facteurs liés aux conditions de vie et de travail influencent bien sûr aussi la santé (ex : la qualité du logement). Enfin, les conditions socioéconomiques, culturelles et environnementales ont un impact sur la santé des individus. Afin d’améliorer la santé des personnes, il existe donc une série de facteurs sur lesquels il est possible d’agir. Oui, mais comment ?

Commençons par la dimension politique : les politiques ont en effet un impact sur la santé, c’est pourquoi une stratégie pour améliorer la santé est de promouvoir des politiques publiques favorables à la santé. Nous parlons de « politiques favorables à la santé » et non de « politiques de santé », car nous avons vu que la santé est influencée par un grand nombre de facteurs : elle doit donc être prise en compte par l’ensemble des politiques (ex : logement, urbanisme, environnement, etc.). On parle d’ailleurs de « santé dans toutes les politiques ». Ces politiques doivent être instaurées à un niveau national, mais également à un niveau local. Ainsi, les bourgmestres ont un rôle important à jouer à l’échelle de la commune. Mais les politiques peuvent aussi être mises en place par d’autres décideurs, comme par exemple les directeurs/trices d’écoles et d’institutions.

Les conditions de vie influencent également la santé des individus. Or, tous les individus n’ont pas les mêmes conditions de vie. Il existe en effet des inégalités sociales et environnementales de santé qui ont un impact sur la santé des citoyens : il est par exemple possible de comparer les statistiques entre quartiers et de voir des différences au niveau de la santé des enfants. Le théâtre du Copion aborde d’ailleurs ce thème mettant en scène deux personnes parlant entre autres de leurs problèmes financiers pour payer leur logement et leurs médicaments, de leur peur de perdre leur travail et de leur incompréhension face aux contraintes institutionnelles (« trop de paperasses »). Le besoin d’un environnement favorable à la santé est donc une condition à la santé des individus.

Enfin, la santé est influencée par le pouvoir d’agir, qu’il soit collectif ou individuel.
Ainsi, au niveau collectif, il est possible de promouvoir la santé des individus en créant des opportunités pour développer le pouvoir d’agir et permettre la participation des communautés. C’est ce qui s’appelle l’action communautaire : les personnes les plus concernées par le problème à résoudre se mobilisent afin de définir les priorités, fixer les objectifs des actions et mettre en œuvre ces actions. De plus, il faut savoir que ce n’est pas parce que les facteurs sont éloignés des individus que ces derniers ne peuvent pas agir dessus: en créant cette collectivité, ils créent une possibilité d’interpellation des politiques. Comme l’explique Wim van Hees, les décideurs politiques ont tendance à croire « qu’ils savent mieux que les autres » mais les groupes de citoyens peuvent les interpeller, les contrer ou les pousser à prendre des décisions favorables à la santé. Wim van Hees représentant un groupement de citoyens nommé Ademloos a témoigné de ce combat de longue haleine pour faire entendre la voix des citoyens concernant le tracé du nouveau périphérique d’Anvers et de ses impacts sur la qualité de vie.
Au niveau individuel, le développement des aptitudes personnelles, notamment par l’éducation pour la santé, est une stratégie à investir davantage. En effet, ces aptitudes -une fois développées- permettent aux citoyens de développer leurs compétences à interpeller les politiques, à améliorer leur cadre de vie, à s’exprimer dans le débat public et à faire évoluer le système de soins.

L’atteinte d’une meilleure santé pour toutes et tous, sans laisser personne sur le bord du chemin, requiert un engagement de tous les instants et des actions qui doivent se mener à toutes les échelles de la société. Néanmoins, dans une société belge d’une extrême complexité et dans laquelle les grandes orientations politiques ne sont pas toujours prises en fonction des besoins essentiels de la population, l’action citoyenne locale se profile comme un moyen particulièrement pertinent pour susciter des changements favorables à la santé. Porter un plaidoyer en faveur d’une meilleure alimentation à l’école de ses enfants, créer un jardin partagé, repenser collectivement l’usage d’une friche industrielle ou militer pour plus de logement social dans sa commune sont des exemples d’engagements bénéfiques pour la santé. Ils le sont à plusieurs titres dans le sens où ils permettent de retisser du lien social, de développer chez les personnes des capacités de dire et d’agir, de relier les citoyens à leur environnement, de montrer aux politiques la voie à suivre et ce qui est vraiment important pour le citoyen et sa santé, d’exercer une influence directe sur les conditions préalables à la santé pour l’ensemble de la communauté… La suite des échanges menés lors des deux journées Ensemble pour la santé ont montré concrètement comment des actions ont été menées et ont pu être encouragées. Elle a également mis en évidence ce qui freine leur développement et les moyens pour les dépasser. Enfin, cette rencontre a permis de dégager des idées pour créer de nouvelles dynamiques collectives, locales et participatives favorables à la santé.